Les domaines d’applications des organismes génétiquement modifiés (OGM) sont nombreux et les controverses qui tournent autour sont tout aussi nombreusesDepuis les années 90, les OGM ont fait leur entrée dans le monde de l’agriculture. Il s’agit indéniablement d’une prouesse scientifique. Néanmoins, OGM et santé ne vont pas forcément de pair compte tenu des risques sanitaires que leur utilisation comporte. Qu’en disent les scientifiques ?

OGM : entre controverse et progrès

La communauté scientifique estime qu’il est tout à fait possible de manger sain tout en consommant des aliments transgéniques. De plus, de tels organismes présentent un bon nombre d’avantages à d’autres niveaux. Tout d’abord, ils ont permis de créer de nouvelles variétés de plantes et d’aliments. Celles-ci affichent des caractéristiques meilleures que celles des organismes originaux.

À titre d’exemple, comme l’évoque le Docteur Robert Naquet, président du comité pour l’Éthique en sciences de la vie au CNRS, les OGM contribuent à l’amélioration de valeur nutritionnelle d’un aliment. C’est le cas du riz pour lequel, grâce à la manipulation génétique, les scientifiques ont réussi à augmenter la teneur en vitamine A. En outre, se confiant au magazine spécialisé Futura Science, le docteur Robert Naquet laisse entendre que les OGM, malgré la polémique, sont à l’origine de certains progrès réalisés dans la médecine notamment dans la fabrication de produits vaccinaux. D’ailleurs, c’est la manipulation génétique qui a permis, entre autres, de créer l’insuline : une substance essentielle pour traiter le diabète. Il est également possible de “créer” des organes transgéniques, très utiles pour les greffes réalisées sur l’Homme.

Sur le plan agricole, les OGM présentent plusieurs points positifs. La manipulation génétique a été un moyen pour réduire l’utilisation des insecticides. Elle a également permis de mettre en place des cultures sur des terres considérées comme inutilisables. Les apports sont donc réels. Toutefois, les risques sanitaires ne sont pas absents, même si la question n’est pas toujours bien cernée. Ceci nous amène à l’éternelle controverse suscitée par les OGM. A-t-on pu déceler, à moyen terme, certains dangers ?

Les scientifiques sont divisés

“La consommation de produits contenant des OGM ou qui sont eux-mêmes génétiquement modifiés crée toujours l’incertitude au sujet de la présence d’une substance indésirable. Celle-ci pourrait présenter un danger. Quels seront les effets de plantes génétiquement modifiées et résistantes à certaines pathologies sur notre organisme ?” s’interroge le Docteur Robert Naquet.

Prenons un exemple pour comprendre les effets indésirables éventuels des OGM. Si l’on modifie la toxicité d’une plante, explique Robert Naquet, il est possible que le gène introduit la rende incapable de produire une substance toxique. Toutefois, il pourrait perturber le fonctionnement de la plante en question. Résultat : celle-ci produirait une nouvelle substance qui, à son tour, serait nocive. Ce genre de manipulation peut donc constituer un danger pour la santé de l’Homme. Notons aussi que les OGM peuvent développer les risques d’allergies chez certaines personnes.

D’autre part, il faut rappeler un point essentiel : à l’heure actuelle, les études scientifiques réalisées sur les OGM ont porté sur des animaux et non sur des humains. En outre, les risques sanitaires liés aux OGM sont souvent hypothétiques. C’est, d’ailleurs, ce qu’a affirmé Docteur François Belzile, Professeur au département de phytologie de l’Université Laval au Québec : “les grandes études menées par les académiciens n’évoquent aucun problème particulier lié aux organismes transgéniques. Aucun cas d’effet néfaste chez l’humain n’a été rapporté”, a-t-il assuré.

La prudence est aussi de mise du côté des grandes organisations internationales, à l’instar de la British Medical Association, l’American Medical Association et, aussi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Toutes ont souligné que les OGM, à ce jour, n’ont pas encore été à l’origine d’atteintes graves à la santé humaine“Il n’y a pas de preuves sur le caractère nocif des OGM”, ont-elles affirmé. Néanmoins, les organisations n’ont pas exclu “la possibilité d’effets imprévus qui pourraient être cumulatifs à long terme”.

Risques sanitaires des OGM : des questions qui nécessitent encore des réponses

Le docteur Robert Naquet du CNRS est également resté prudent sur le sujet. Il considère qu’il est actuellement difficile d’apporter des réponses définitives à certaines interrogations. Ces dernières portent, notamment sur l’évaluation des conséquences possibles des aliments génétiquement modifiés sur l’alimentation humaine. Même s’il évoque certains risques sanitaires potentiels, il est difficile de les évaluer. En effet, les études scientifiques, comme nous l’avons souligné, n’ont été menées que sur des animaux. Autre problématique qu’il est difficile de résoudre actuellement : l’évaluation de la sécurité alimentaire des OGM.

De ce fait, pour pouvoir apporter des réponses plus précises, les scientifiques, d’après Robert Naquet, devraient prendre en compte plusieurs éléments durant leurs recherches :

  • Les effets des changements qui seraient dus à l’assimilation des aliments génétiquement modifiés;
  • Les effets potentiels sur la santé de sous-groupes de la population, à l’instar des personnes qui auraient une consommation particulièrement importante des OGM;
  • La composition des OGM, leur préparation et leur rôle dans le régime alimentaire. Ici, le nouvel aliment génétiquement modifié est comparé à l’aliment traditionnel, et toute différence entre les deux devrait être évaluée;
  • Les implications nutritionnelles observables aux niveaux de consommations normale et maximale;
  • Les effets du stockage, de traitements, de la cuisson sur la composition en nutriments des aliments génétiquement modifiés.

Toujours sur le plan de la sécurité alimentaire, il faut rappeler que l’Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) a rendu public, en 1993, les résultats de recherches ayant introduit la notion d’équivalence en substance. Le but était de mettre en place des outils d’évaluation de la sécurité des aliments génétiquement modifiés. Selon les résultats obtenus, il est possible de comparer des aliments naturels à ceux qui ont subi une manipulation génétique. De ce fait, les plantes génétiquement modifiées pourraient être classées comme “saines” pour la santé. Cette évaluation est faite sur la base d’une comparaison avec les analogues conventionnels des produits transgéniques.

OGM et santé : encore des doutes

Face à ces incertitudes, l’Union Européenne (UE) a préféré jouer la carte de la prudence. En effet, en 2013, elle a instauré l’obligation des analyses de toxicologie pour les demandes d’autorisations commerciales d’OGM dans l’Union. La décision a, d’ailleurs, été publiée dans le Journal Officiel de l’Union (règlement 503/2 013). En parallèle et jusqu’en 2015, GRACE, un projet européen, a été lancé pour évaluer les effets de la toxicologie des plantes génétiquement modifiées sur des rats. Les scientifiques ont été amenés à effectuer deux analyses : l’une à court terme (90 jours) et l’autre à long terme (un an).

Les résultats de cette étude n’ont pas permis d’apporter des réponses claires. D’après les scientifiques, aucune de ces analyses – à court et à long terme – n’a permis de trouver des réponses précises au sujet de la toxicologie. De ce fait, les mêmes interrogations planent au sujet des risques sanitaires des OGM.